Equation de temps - Partie 1

Introduction

En 1759, Ferdinand Berthoud publiait un petit ouvrage destiné au grand public intitulé "L'art de conduire et de régler les pendules et les montres". Il y décrit ce qu'est une pendule ou une montre à équation et surtout il donne des explications sur l'utilité de cette complication dont il a fait sa spécialité.

Qu'est-ce que l' "équation de temps" et pourquoi cette fonction avait une grande importance à cette époque ? C'est à ces deux questions que nous souhaitons répondre dans ce petit article préparé en particulier avec le support des ouvrages historiques de Ferdinand Berthoud ainsi que celui d'Henry Sully, publié en 1717 sous le titre "Illustrations de Règle artificielle du temps".

Temps vrai et temps moyen

"Le mouvement du Soleil est variable, puisque cet Astre marche, tantôt d'un mouvement accéléré & tantôt d'un mouvement plus lent". Cette observation mentionnée par Berthoud sert d'introduction à son explication sur le Temps Vrai et par la suite sur le Temps Moyen.

Le Temps Vrai

Il s'agit du temps indiqué naturellement par le soleil, avec le passage de ce dernier au méridien au "Midi Vrai". La durée entre deux "Midis Vrais" évolue au long de l'année, c'est ce que Berthoud décrit comme une marche plus ou moins accélérées du Soleil.

Le Temps Moyen

Le "temps moyen" a été défini afin de partager une même échelle de temps tout au long de l'année, indépendamment de l'avance ou le retard journalier du soleil. C'est ce temps moyen qu'une montre idéale indique, découpant de manière parfaitement régulière les heures et les jours tout au long de l'année.

Aspect astronomique

Ces variations dans la vitesse apparente de rotation du soleil autour de la Terre, que Berthoud énoncait comme un mouvement plus ou moins accéléré du Soleil dans ses rotations apparentes autour de la Terre, ont une double origine.

D'une part il y a l'inclinaison de l'axe de rotation de la Terre par rapport au plan orbital, et d'autre part il y a la trajectoire elliptique de l'orbite terrestre.

Ces deux composantes seront décrites en détail dans les chapitres suivants, néanmoins on peut déjà faire une petite parenthèse historique sur la caractéristique elliptique de la trajectoire de la Terre autour du Soleil. Ce phénomène a été énoncé dans les lois de la gravitation de Kepler. La première loi dit que le mouvement des planètes autour du soleil est une ellipse, et la seconde loi dit que l'aire de la section de l'ellipse balayée pendant un temps défini est une constante ("loi des aires").

 


Deuxième loi de Kepler: Aire 1 = Aire 2

 

La conséquence de la loi des aires constantes est que, suivant la position sur l’ellipse, l'angle balayé quotidiennement par la Terre autour du soleil varie. Or cet angle intervient dans la durée du "jour vrai", d'où des fluctuations dans le jour vrai.

Historique

C'est à Claude Ptolémée (env. 100 - 168 après JC), que l'on doit la première mention de l'équation du temps dans son ouvrage d'astronomie l'Almageste. Ptolémée est un astronome, astrologue, mathématicien et géographe grec qui a vécu à Alexandrie (Égypte). Il avait analysé l'avance et le retard d'un soleil moyen sur le soleil vrai et attribuait ce fait à deux éléments: le mouvement du soleil sur l'écliptique et non sur l'équateur céleste, ainsi que l'irrégularité du mouvement du soleil en longitude au cours de l'année.




Table d'équation publiée par Henry Sully en 1714



Pourquoi le terme "Equation" ?

En astronomie ancienne on utilisait le terme "équation" pour définir une correction à ajouter à une valeur moyenne afin d'obtenir une valeur vraie.



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Equation temps

Tables d'équation

On appelle "équation de temps" la différence entre le temps Vrai et le temps Moyen, et "Tables d'Equations" les listes dressées par les astronomes indiquant pour tous les jours de l'année cette différence.


Equation de temps pour l'année 2000 (rouge) ainsi que celle publiée par Berthoud en 1759 (gris)

 

Les deux composantes de l'équation de temps

Si l'on décompose la courbe de l'équation de temps pour visualiser ces deux composantes on observe:

  • L'influence de la trajectoire elliptique de la Terre autour du soleil (appelée équation du centre)
    Cette contribution a la forme d'une ondulation qui s'annule deux fois par année, lorsque la Terre passe au périhélie (point le plus proche du soleil) et à l'aphélie (point le plus éloigné). Entre ces deux points elle passe par un extrémum (un maximum et un minimum par année)
  • L'influence de l'inclinaison de l'axe de rotation de la Terre sur l'écliptique (appelée réduction à l'équateur).
    Cette contribution présente deux ondulations par année, passant chacune par un maximum et un minimum. Plus précisément les maximums apparaissent aux solstices d'hiver et d'été et les minimums aux équinoxes.

    Les schémas ci-dessous permettent de visualiser cette contribution.




    Schéma représentant la Terre à 1 jour d'intervalle dans deux situations extrêmes, à l'équinoxe de printemps et au solstice d'été. Les proportions et angles sont exagérés afin de faciliter la visualisation.

    A un jour d'intervalle la Terre c'est déplacée sur son orbite d'un angle θ, en plus de faire un tour complet par rapport aux étoiles lointaines (représenté par les deux plans parallèles bleus) le globe doit encore faire un angle (correspondant à θ dans le plan de l'écliptique [section triangulaire verte]) afin de compléter la journée et ramener le soleil au zénith (plans jaunes). Comme la Terre ne tourne pas dans le plan de l'écliptique mais autour de son axe incliné à 23.43° par rapport à l'écliptique, l'angle de rotation β (section triangulaire bleue) est alors différent de θ (section triangulaire verte).

    Cette différence varie au cours de l'année, elle est maximale aux équinoxes et minimale aux solstices.

Les deux contributions s'additionnent pour générer la courbe caractéristique, en vague descendante, de l'équation de temps.



Les deux composantes de l'équation de temps: ellipticité de l'orbite terrestre (vert) et obliquité de son axe de rotation (bleu).

 

Evolution séculaire

Perturbation sur la composante elliptique

L'interaction Terre/Lune/Soleil génère un mouvement circulaire de l'axe de rotation de la Terre autour de la perpendiculaire à l'écliptique (plan dans lequel s'inscrit l'orbite terrestre). Cette rotation s'effectue sur un cycle qui dure environ 25'760 ans.

Pour décrire ce phénomène plus précisément, commençons par la définition des équinoxes. L'inclinaison de l'axe de rotation de la Terre détermine les équinoxes, il s'agit des positions sur l'orbite où la projection de l'axe de rotation de la Terre et le vecteur Terre-Soleil sont à 90°.


Equinoxes, solstice et mouvement de précession de l'axe de rotation de la Terre.

 

Ce pivotement de l'axe de rotation de la Terre qui se déroule sur une période de 25'760 ans entraîne donc un déplacement des points d'équinoxes sur l'orbite terrestre. Ce déplacement se fait dans le sens opposé au sens de rotation de la Terre sur son orbite. Par conséquent, chaque année les équinoxes se produisent sur un point de l'orbite situé avant la réalisation d'un tour complet, d'où le nom donné à ce phénomène: précession des équinoxes.

Pour être encore plus précis, cette avance correspond à 50,2 sec. d'arc sur l'orbite terrestre. Il faudra compter encore 20 minutes pour que la Terre parcoure ces 50,2 sec. d'arc et termine son tour complet (année sidérale).

La vidéo ci-dessous consacrée aux caractéristiques de l'orbite terrestre permet de visualiser le phénomène: Vidéo - Précession des équinoxes

Au niveau de la courbe de l'équation de temps, la précession des équinoxes provoque un décalage sur l'axe horizontal de la composante liée à l'ellipticité.

Perturbation sur la composante inclinaison

A cette évolution moyenne de la direction de l'axe de rotation de la Terre liée à la précession des équinoxes on ajoute des altérations sur sur la valeur de son angle d'inclinaison. A long terme, sur une période de 41'000 ans, on observe une évolution séculaire de l'inclinaison de l'écliptique entre 21,6° et 24,4°.

D'autre part, à très court terme, les oscillations du plan de l'écliptique lunaire génèrent un petit mouvement elliptique de l'axe de rotation terrestre autour de son cercle moyen de précession. Ce mouvement, appelé nutation, a été mis en évidence en 1748 par James Bradley et il s'effectue sur une période de 18,7 ans.


Nutation de l'axe de rotation terrestre

 

La conséquence de ces perturbations se résume en une modification de l'obliquité qui caractérise l'inclinaison de l'axe de la Terre par rapport à l’écliptique.

Au niveau de la courbe de l'équation de temps ces perturbations se traduisent par une variation de l'amplitude et un petit décalage horizontal de la composante liée à l'obliquité.

Si l'on représente sur un graphique tridimensionnel l'évolution de la courbe de l'équation de temps pour les 10'000 années à venir on obtient, en première approximation, la surface ci-dessous:

 


Evolution séculaire de l'équation de temps

 

Autres perturbations

Au-delà de la précession des équinoxes, de la nutation et de l'évolution séculaire de l'inclinaison de l'écliptique dont nous avons parlé ci-dessus, le mouvement du globe comporte encore de nombreuses complexités dues aux effets combinés de la lune, du soleil et des autres planètes.

En particulier l'ellipse qui représente l'orbite terrestre pivote autour du soleil avec une période de 21'000 ans lorsque l'on se réfère au repère des étoiles lointaines. De plus, son excentricité varie (l'ellipse s'aplatit plus ou moins) entre 0 et 5,3 dans une période de 100'000 ans. La valeur actuelle de l'excentricité est de 1,67.

Pendules et montres à équation

Lorsqu'une pendule ou une montre indique l'heure vraie, en plus de l'heure moyenne, alors on parle de pendule ou montre "à équation". Il existe plusieurs principes d'affichage de l'équation de temps, nous les présenterons dans un article à venir.

Utilité

Aujourd'hui l'équation de temps apparaît comme une complication sans véritable utilité, cependant jusqu'au XXème siècle elle présentait un véritable intérêt. En effet elle permet de régler une montre sur le soleil (temps vrai) sans avoir recours aux tables d'équation publiées par les astronomes.

Régler une montre à l'époque de Sully ou Berthoud n'était pas une opération aisée, c'est l'apparition de la radio qui a permis de simplifier cette opération en diffusant une référence horaire à large échelle. Sinon il fallait se baser sur l'horloge d'un clocher, une pendule de référence ou éventuellement un cadran solaire associé aux tables d'équation.

Question du signe

La littérature et les applications horlogères ne considèrent pas toujours l'équation de temps avec la même convention de signe.

Dans les publications françaises, l'équation de temps est généralement exprimée sous la forme "temps moyen - temps vrai".
Donc si l'équation de temps est positive le soleil est en retard sur le temps moyen.

Par contre au Royaume-Uni, aux Etats-Unis ou en Belgique les auteurs ont utilisé généralement la forme "temps vrai - temps moyen".
Donc si l'équation de temps est positive le soleil est en avance sur le temps moyen.

Certains auteurs, dont Ferdinand Berthoud, ne mettent pas de signe dans les tables qu'il a publiées. Par contre ils indiquent "soleil en retard" ou "soleil en avance" afin de clarifier l'interprétation des valeurs numériques relevées.

Ce joyeux méli-mélo dans les écrits au cours des siècles a également engendré des indictions de cadran qui ne sont pas correctes chez les horlogers. L'équation de temps reste une complication dont l'interprétation nécessite un peu d'entraînement!

 

Dossier: Equation de temps

 



Historique de l'affichage de l'équation de temps

La première indication horlogère de l'équation de temps est apparue au XVIIème siècle sur des horloges à complications, la littérature mentionne en particulier (Sully, "Illustrations de Règle artificielle du temps", 1717) la pendule appartenant à Charles II, roi d'Espagne qui présentait une équation de temps.

A propos de cette pendule H. Sully, horloger anglais installé à Paris, précise que de telles horloges étaient fabriquées à Londres depuis plus de vingt ans et il ajoute qu'il pense être le premier à avoir miniaturisé et introduit un tel mécanisme dans une montre de poche autour de 1700.

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