La machine d'Anticythère
Découverte de la "machine d'Anticythère"
En septembre 1900, le capitaine Kontos, pécheur d'éponges, est de retour de la côte tunisienne vers son île de Symi. A bord de son bâteau il a six scaphandriers et dix marins. Pris dans une tempête au sud du cap Malée, il se réfugie dans une crique de l'île d'Anticythère. Passée la tempête, ses scaphandriers explorent les alentours de la baie de Potamos, et ils trouvent l'épave d'un navire ancien chargé d'œuvres d'art.
Rentré à Symi, les vieux du village conseillent au capitaine d'aller voir discrètement les autorités à Athènes pour signaler la découverte. Symi comme toutes les îles de la cote d'Asie Mineure était à l'époque sous domination turque. Un archéologue de l'Université, originaire de Symi, présente Kontos au ministre de l'Education, et le 24 novembre 1900 un navire de transport militaire, le Mycale, transporte Kontos, ses plongeurs et l'archéologue à Anticythère.
Cependant le temps est mauvais et le navire trop grand pour s'ancrer près des côtes. Le 4 décembre 1900 une navire un peu plus petit, le Syros, revient sur place. Des grands blocs de roche qui encombrent l'épave sont jetés en profondeur, jusqu'à ce que le ministre Staïs en visite en fasse remonter un - en réalité un morceau d'une énorme statue en marbre.
Le Mycale revient alors sur place pour les lever. La campagne de récupération dure presque un an. Le musée est rempli des objets trouvés, entreposés dans le désordre. Les objets courants (vaisselle, pièces de monnaie) sont datés au Ier siècle av. J.-C. On s'occupe des statues, mais personne remarque un petit bloc de métal corrodé laissé en plein air dans une cour, jusqu'à que le bois qu'il contenait, desséché, se fende laissant paraître des engrenages. Or, on ne connaissait pas d'engrenages qui datent d'une période antérieure au XII-XIIIe siècle (al-Biruni en décrit vers le XIe s.), et encore moins dans l'antiquité.
L'astrolabe, que l'on pouvait attribuer à Ptolémée ou même à Hipparque, ne comportait pas d'engrenages. Mais le fragments de l'objet inconnu laissaient paraître au moins une quinzaine de roues dentées. Nettoyé, le mécanisme montre les noms anciens de quelques mois: on parle alors de "planétarium".
Dans les années 1930-1945 le mécanisme reste l'objet de débats entre spécialistes par articles interposés. Un amiral à la retraite, Théophanis, se ruine pour financer ses recherches mais ne publie rien. Sur un point au moins tout le monde est d'accord: le mécanisme montre la position du Soleil, de la Lune et des planètes dans le ciel.
Principaux fragments de la Machine d'Anticythère
En 1953 Jacques Cousteau et Frédéric Dumas plongent à Anticythère, ce qui permet de faire une datation du bois du navire, estimé à 260-180 av. J.-C. Le navire était long 30-40 m et pouvait transporter 300 tonnes de marchandises.
Epoque et parcours du navire naufragé
En 1976 le commandant Cousteau effectue de nouvelles plongées sur le site du naufrage. Son équipe remonte alors de nouvelles statuettes de bronze, des poteries et des amphors ainsi que des morceaux de la coque du navire. Cette expédition trouve également des pièces de monnaie en brouze et en argent., des éléments importants pour aider à la datation du trésoir archéologique d'Anticythère. D'après le numismate Panagiotis Tselekas la plupart des pièces viennent de Pergame et les autres ont été frappées à Ephèse.
Expédition du commandant Cousteau
Le naufrage s'est produit il y a deux millénaires à l'époque où les romains commençaient à envahir les territoires bordants la Méditérannée. L'analyse des pièces de monnaie trouvées par l'équipe du commandant Cousteau montre que le navire provenait d'Asie Mineure et les objets qu'il transportait datent de l'an 50 à 100 avant JC. D'autre part, la taille du navire indique qu'il ne pouvait appareiller que dans les grands ports de la côte.
Pour ce qui sera son dernier voyage, le navire serait donc parti de l'une des grandes cités grecques d'Asie Mineure, comme Peregame ou Ephèse. Il serait descendu pour faire escale sur l'île de Rhode et embarquer des amphores de vin. Puis il aurait mis le cape sur Rome avant de sombrer au large d'Anticythère.
Etude du fonctionnement de la machine originale
En 1958, un physicien et grand spécialiste des instruments anciens agé de 33 ans, Derek de Solla Price, se rend à Athènes pour étudier le mécanisme. Stocké dans une boite à chaussures il avait été soigneusement nettoyé. En 1972, Price avec l'aide de Karamanlos et de la femme de celui-ci, Emilie, passe pour la première fois les fragments aux rayons X. Ils découvrent au moins 8 couches d'engrenages superposés, non pas écrasés mais serrés par construction. Il repère 27 roues dont il essaye de compter les dents.
Cependant la qualité moyenne des images aux rayons X de l'époque et le procédé de comptage manuel va engendrer quelques erreurs dans la détermination du nombres de dents. Price est également le premier à comprendre comment assembler les trois fragements principaux de la machine. En particulier il repère la présence d'un type d'engrenages nommé "train épicycloïdal" dont on estimait l'invention à 1500 ans après J.C.
Derek de Solla Price
En 1974 Price publie "Gears from the Greeks", un livre de 70 pages, et construit un modèle approximatif du mécanisme. Il pense que le savoir-faire des Grecs a été transmis aux Arabes (malgré plus de 1000 ans entre Anticythère et al-Biruni) et ensuite en Europe, à partir du XIIIe siècle. Il espère faire changer la vision historique courante, en remettant ainsi en cause l'hisoire de la technologie occidentale.
Mais les historiens ne changent pas leur version : les Grecs étaient de brillants philosophes et mathématiciens, mais ils ne s'intéressaient pas aux réalisations pratique. Les Romains sont les grands constructeurs de routes et amphithéâtres; et pour la révolution scientifique il faudra attendre les hommes de la Renaissance.
Après 12 ans de travail sur le mécanisme d'Anticythère, Price déclare en avoir assez! Pendant plus de 25 ans tous ceux qui s'intéresseront au restes d'Anticythère feront référence au modèle et aux publications de Price.
Quelques éléments des travaux de Price Price a compris que le mécanisme reproduit le mouvement et les phases de la lune dans le ciel. Pour les grecques anciens les phases de la Lune avaient une importance capitale, en effet elles permettaient de fixer les cérémonies religieuses, les semailles ainsi que les guerres. Les observations des astres et du fond céleste en général avaient permis aux ancients de déterminer un certain nombre de cycle astronomique. En particulier ils avaient noté que la Lune mets 29,5 jours pour se retrouver à nouveau entre le Soleil et la Terre, autrement dit c'est la durée d'un cycle complet des phases de lune. D'autre part elle mets 27,3 jours pour s'aligner avec une même étoile et donc faire le tour de la Terre. Price a compter 127 dents sur l'une des roues du mécanisme et 235 sur une autre roue. Or 235 c'est exactement le nombre de lunaisons que compte le cycle de Méton qui constituait la base du calendrier grec (cf article consacré au cycle métonique). Ce cycle correspond également à 19 années solaires et il représente la période nécessaire pour que le système Terre-Lune-Soleil-Ciel se retrouve dans la même configuration. Price a découvert les restes d'une spirale divisée en 235 segment sur le dos de la machine d'anticythère. Cette dernière permettait d'aligner les cycles solaires et lunaire, selon le cycle métonique de 19 années. Price conclu que les savants grecs avaient développé la machine d'Anticythère dans le but de reproduire le déplacement de la lune, base du calendrier de l'époque. Cependant, grâce au mobile à 127 dents, Price a également compris que la machine était encore plus ingénieuse. En effet pendant les 19 années du cylce de Méton, la Lune fait 254 fois le tour de la Terre ( 6'939,75 jours / 27,3 jours = 254,2 soit 254 ). La décomposition en multiples de nombres premiers de 254 donne: 254 = 2 * 127 (voir encadré ci contre "Engrenages et nombres premiers"). Donc en découvrant l'élément à 127 dents Price a conclu que la machine d'Anticythère avait également pour vocation de représenter le mouvement de la lune autour de la Terre tout au long des 254 mois synodique du cylce de Méton.
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